08/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

La santé pour tous

01/04/2008
Toute la population est couverte par le Programme national d'assurance maladie, les enfants bénéficiant de soins totalement gratuits jusqu'à 3 ans.

>> Il a fallu surmonter de nombreux obstacles pour offrir une couverture maladie à l'ensemble de la population

A Taiwan, il n'est pas possible de se retirer du programme na tional d'assurance maladie une fois qu'on en fait partie. Heureusement pour les Taiwanais, les cotisations sont très peu élevées. Environ 99% des 23 millions d'habitants sont aujourd'hui titulaires d'une carte d'assuré qui leur permet de bénéficier de soins de qualité dans le cabinet médical ou l'hôpital de leur choix. Pour les 1% qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas accès à ce filet de sécurité, le droit inaliénable aux soins est tout de même reconnu. On soigne d'abord, et si ques tions il y a, on les pose ensuite.

L'Assurance maladie nationale (NHI) a été inaugurée en 1995 avec pour objectif à terme de fournir une couverture santé correcte à l'ensemble de la population. Ce programme a en réalité rassemblé en son sein les 13 régimes d'assurance santé qui existaient jusque là et qui s'adressaient à divers publics fonctionnaires, salariés, pêcheurs et agriculteurs en particulier pour ne couvrir que 60% de la population. Le nouveau système a permis d'intégrer tous ceux qui ne bénéficiaient d'aucune couverture, notamment les personnes âgées, les enfants, les étudiants et les chômeurs. Malgré quelques critiques et un manque de fonds, l'un dans l'autre, une douzaine d'années plus tard, on peut dire que la NHI est une belle réussite.

Ailleurs dans le monde, il n'est pas rare que les assurés n'aient pas le choix de leur médecin ou de leur établissement médical. A Taiwan, il suffit de produire sa carte d'assuré (qui est munie d'une puce électronique comportant le nom du titulaire ainsi que des données médicales) et d'acquitter une somme modique pour consulter et se faire délivrer des médicaments. Pour les traitements plus onéreux, le patient ne verse que l'équivalent de 10% du coût réel.

C'est le salaire mensuel de l'assuré qui sert de base au calcul des cotisations. Sur les 4,55% du montant du salaire qui sont versés à la NHI, l'employeur prend une partie à sa charge. Les chômeurs n'acquittent que 60% de la cotisation moyenne, actuellement de 1 000 dollars taiwanais par mois, le reste étant subventionné par l'Etat.

La législation concernant l'Assurance santé nationale stipule que tous les citoyens de la République de Chine ont l'obligation de cotiser après quatre mois de résidence à Taiwan. Les étrangers installés dans l'île et titulaires d'une carte de résidence doivent eux aussi intégrer le système.

Ceux qui n'ont pas été inscrits auprès de la NHI par leur employeur, ainsi que les chômeurs qui n'ont pas fait les démarches nécessaires pour obtenir une carte d'assuré, peuvent néanmoins se faire soigner, mais ils risquent ensuite de se voir infliger une amende. En outre, on peut leur réclamer rétroactivement jusqu'à cinq années de cotisations. Les dossiers de ces personnes sont cependant traités au cas par cas, afin de ne pas pénaliser les foyers en difficulté : ces derniers sont exemptés de tout paiement et pris en charge par un travailleur social.

Couverture universelle

Le système de la NHI couvre tous les grands types de traitements. Il englobe 92% des 19 000 hôpitaux, cliniques et cabinets de Taiwan, y compris ceux spécialisés dans la médecine chinoise et les cabinets dentaires. Sont également associés des milliers de pharmacies, de laboratoires d'analyses, de maisons de retraite et de cliniques psychiatriques.

« Outre cet accès facile à une grande variété d'options médicales entre lesquelles choisir librement, le programme de la NHI a l'avantage de permettre aux défavorisés de recevoir des soins de qualité », note Chu Tzer-ming [朱澤民], le président de l'office de l'Assurance santé nationale (BNHI). Les assurés issus de foy ers à faibles revenus sont exemptés de cotisations. Le BNHI fi nance aussi des missions médicales sur les îlots au large et dans les régions reculées en montagne, où des bus équipés de matériel médical sont dépêchés afin de combler les éventuelles carences des dispensaires locaux. Chu Tzer-ming explique que ces cliniques mobiles répondent aux besoins des personnes qui se plaignaient d'être contraintes d'acquitter leurs cotisations sans pouvoir bénéficier, du fait de leur isolement, des soins auxquels elles ont droit. C'est un projet coûteux, reconnaît le haut responsable, mais qui en vaut la peine, car « la vie n'a pas de prix ».

Le système de la NHI comporte un volet prévention. Les analy ses de sang et d'urines sont remboursées pour les assurés de plus de 40 ans. Au-dessus de 50 ans, ce type de check-up est offert tous les 3 ans. Quant aux plus de 65 ans, ils peuvent en bénéficier gratuitement tous les ans.

Par ailleurs, les soins dentaires de base sont pris en charge intégralement pour les enfants de moins de cinq ans, de même que les examens prénataux pour les femmes enceintes.

Nicole Huang [黃心苑], professeur au département de Santé publique de l'université nationale Yang Ming, à Taipei, explique que le financement du programme dépend surtout des cotisations, seulement 25% de son budget provenant en effet des coffres de l'Etat ou des collectivités territoriales. Si le programme taiwanais est comparable à celui en vigueur en Corée du Sud, les frais de consultation sont ici beaucoup moins élevés. L'Etat prend à sa charge une part importante des frais médicaux pour certaines catégories de patients. Les cancéreux, les hémophiles, les patients en dialyse et ceux atteints de troubles mentaux sont soignés gratuitement. Représentant environ 2% de l'ensemble des assurés, ils sont cependant responsables de 15% des dépenses de santé. « Nous avons pu établir que les personnes à faibles revenus profitent davantage du système que les riches, dit Nicole Huang. La NHI a un effet évident de subvention croisée ou de redistribution de la richesse. »

En cela, Taiwan réussit donc mieux que les Etats-Unis, par exemple, affirme Lee Ming-been [李明濱], le président de l'Association médicale de Taiwan (TMA), qui est professeur de psychiatrie à l'université nationale de Taiwan, à Taipei. Une enquête publiée en décembre dernier par le Centre de contrôle et de prévention des maladies, aux Etats-Unis, montre que malgré l'augmentation de l'espérance de vie et la diminution du nombre de décès dus aux affections cardiaques et au cancer, près d'un Américain adulte sur cinq ce qui fait plus de 40 millions de personnes affirme ne pas avoir les moyens d'obtenir les soins médicaux dont il a besoin, qu'il s'agisse de consultations, de médicaments, d'une prise en charge psychiatrique ou de soins dentaires. A Taiwan, tout cela est couvert par la NHI.

 

La plupart des pharmacies sont désormais intégrées au système de l'Assurance santé nationale.

La satisfaction des patients

Dans les sondages réalisés tous les ans, la NHI recueille en général un taux de satisfaction supérieur à 60%, un résultat souvent meilleur que ceux obtenus lors d'études similaires concernant les programmes d'assurance santé des autres pays.

La NHI assume environ 55% des dépenses de santé à Taiwan. En 2005, celles-ci ont, au total, représenté 6% du PIB. La comparaison avec les autres pays développés est plutôt en faveur de Taiwan (voir ci-contre). Ainsi, aux Etats-Unis, malgré les économies drastiques réalisées par les compagnies d'assurance privées, les dépenses de santé représentent 15% du PIB. Considérées par habitant, celles-ci sont d'ailleurs bien moins élevées à Taiwan (moins de 1 000 dollars américains) qu'aux Etats-Unis (plus de 6 000 dollars en 2005). « Ces chiffres montrent les performances relativement élevées de notre programme national d'assurance santé concernant le contrôle des dépenses », commente Lee Ming-been.

Le BNHI alloue des fonds à quatre catégories d'institutions médicales : les cabinets médicaux ; les hôpitaux ; les cabinets et cliniques spécialisés dans la médecine chinoise ; et enfin les cabinets dentaires. En 1998, afin de prévenir une augmentation trop brutale des dépenses, le BNHI a fixé un taux de croissance maximal en ce qui concerne la couverture des soins dentaires. La mesure de contrôle a été étendue aux trois autres catégories par la suite. Depuis juillet 2002, cette politique a permis de s'assurer que les dépenses ne croissent pas de plus de 4,5% par an en moyenne. « Ce taux est en général un peu plus élevé que celui de la croissance économique, note Chu Tzer-ming. Je pense que c'est assez raisonnable, parce qu'en fin de compte, il est peu souhaitable que le budget santé pèse trop lourdement sur le développement économique. »

Garder l'équilibre

Le BNHI ne s'est pas contenté de plafonner les dépenses qui, jusqu'en 2002, augmentaient de plus de 10% par an, il s'est aussi efforcé de trouver un équilibre en matière de consommation de médicaments. Une fois les budgets répartis entre les quatre catégories d'institutions médicales ce qui implique déjà de longues négociations , ils sont distribués entre les établissements. Chacun est alors responsable de la gestion des fonds qui lui sont alloués. Aux détracteurs du système, Chu Tzer-ming répond que les contrôles en place sont un mal nécessaire.

« Le BNHI ne verse aux hôpitaux que 80 cents pour chaque dollar consacré aux services médicaux qu'ils fournissent aux assurés, dit Lee Ming-been. Cela nous fend le cœur, mais nous n'y pouvons rien. » Le président de l'Association médicale de Taiwan pense que les pouvoirs publics devraient verser des subventions aux hôpitaux afin de compenser les insuffisances financières de la NHI.

Environ un quart du budget de la NHI, qui est actuellement de 470 milliards de dollars taiwanais, va aux remboursements de médicaments. Le BNHI est parvenu à contrôler ce poste budgétaire en réalisant des études de marché qui lui ont permis d'établir des prix de référence. Afin d'inciter les institutions médicales à négocier avec les laboratoires pharmaceutiques ou les grossistes, le BNHI ne leur reverse que l'équivalent du prix de référence de chaque médicament. Chu Tzer-ming explique que les marges ainsi réalisées sont reversées dans d'autres postes de dépenses, en particulier ceux qui sont soumis aux plafonds du BNHI. C'est de cette façon que les établissements hospitaliers équilibrent leurs budgets, poursuit le haut fonctionnaire qui estime infondés les soupçons de profits malhonnêtes qui pèsent sur les hôpitaux.

Des coûts en hausse

Le vieillissement de la société et l'utilisation de technologies médicales de plus en plus sophistiquées et onéreuses entraînent, dans bien des pays, la hausse des dépenses de santé, et Taiwan ne fait pas exception. Chu Tzer-ming note que depuis le mois de mars de l'année dernière, la NHI a commencé à accuser un déficit de 1 milliard de dollars par mois. Une façon de le combler est d'augmenter les cotisations, une option qui avait déjà été choisie en 2002 : celles-ci sont alors passées de 4,25% à 4,55% du salaire. Une nouvelle hausse de ce taux aurait pu être envisagée l'année dernière, mais la mesure aurait sans doute été jugée trop impopulaire en période préélectorale. En revanche, il n'est pas impossible qu'elle intervienne à la suite de l'élection présidentielle du mois dernier. Chu Tzer-ming souligne cependant qu'il y a d'autres façons de trouver des fonds. Le BNHI prévoit d'ailleurs de modifier la façon dont est calculé le montant des cotisations pour que l'assiette comprenne aussi les revenus du capital.

On pourrait aussi financer la NHI en agissant sur la part de frais médicaux acquittée par le patient. En augmentant celle-ci, on réduit le nombre des consultations : les patients ne se précipitent plus chez le médecin pour une simple toux ou un mal de tête. Cette part est par ailleurs plus élevée lorsqu'on consulte dans un grand hôpital que si l'on se rend dans une petite clinique ou un cabinet de quartier. Il s'agit en l'occurrence d'alléger la charge pour les grands établissements qui peuvent ainsi concentrer davantage de ressources au traitement des maladies graves ou à la recherche.

Malgré le succès certain de la NHI, créée en 1995, il reste quelques lacunes que ne manquent pas de souligner les principaux intéressés.

Chu Tzer-ming souligne qu'il n'est bien sûr absolument pas envisageable de laisser le programme national d'assurance santé s'écrouler. Un déficit est acceptable sur le court terme, dit-il, mais à la condition que des ajustements subtils soient effectués constamment. Nicole Huang remarque pour sa part que la NHI « est encore un système en mouvement, qui évolue au gré de la situation sur le plan culturel et social ». Pour un programme d'assurance qui a été créé il y a douze ans à peine, cela n'est pas véritablement étonnant.

Quoi qu'il en soit, la NHI a opéré une véritable révolution dans le domaine de la santé à Taiwan. On pourrait donc dire, en paraphrasant Nicole Huang, que la NHI contribue positivement à l'évolution de Taiwan sur le plan culturel et social.■

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